Le premier point des doléances est propre à la Bigorre, la dernière assemblée des États s’est tenue en 1614, il y a presque trois siècles ! Les trois autres points procèdent d’une affirmation générale entendue dans tout le royaume : les électeurs doivent s’assembler séparément, les représentants du Tiers État doivent être en nombre égal à ceux de la noblesse et du clergé réunis, l’organisation des États de Bigorre doit s’organiser sur le plan des trois ordres du Dauphiné ou des États du Béarn. Nous avons vu comment les députés du Tiers État du Dauphiné ont accédé récemment à un statut administratif plus égalitaire. Mais qu’en est-il des États du Béarn ? Pourquoi suscitent-ils tant de convoitise de la part de leur premier voisin ? À partir d’un document instructif à cet égard : « Extrait du Brevet des États Généraux du Béarn, extraordinairement assemblés à Versailles le 6 juillet 1789 – Comité de vérification – Archives nationales – Série B – BA 80 », on sait que les commissaires considèrent «Que la souveraineté de Béarn n’a aucun lien de dépendance à l’égard de la France quoique gouvernée par le même souverain. Que ses droits ont été réservés expressément dans l’Édit d’union pour lequel Louis XIII voulut étendre à la souveraineté du Béarn sans néanmoins déroger aux fors, franchises, libertés et privilèges de ce Pays». Le Béarn ne se considère pas comme une province de France. Mais, ses députés ne tiennent pas à rompre les nœuds qui les unissent aux Français et refusent l’isolement. Au contraire, ils espèrent des États généraux un renforcement de leurs coutumes. Ils voient dans leur démarche « un moyen de rendre plus inaltérable les principes essentiels de leur constitution ». Toutefois, ils sont lucides. Ils craignent que « Les États généraux soient dans l’impuissance d’opérer quelque bien si les députés de chaque district particulier n’avaient que des pouvoirs limités par des instructions impératives, si les représentants des provinces n’étaient que des porteurs de mandats au lieu de former le conseil suprême de la nation revêtu de tous les pouvoirs de celle-ci ». On comprend mieux les réticences des Béarnais pour aller à Versailles. À suivre…