3 – 1789 : Le Tiers-État

Le duc de Clermont-Tonnerre, apparaît à la fenêtre, jette de l’argent et promet…Les émeutiers brisent tout : fenêtres, glaces, meubles, épuisent la cave et répandent le vin des barriques. C’est la capitulation du pouvoir local. Le commandant fait retirer ses troupes. Sous la contrainte, il écrit aux parlementaires de ne point déférer aux lettres de cachet et de rester dans Grenoble. Le concierge du Parlement leur remet les clefs du Palais. Heureusement pour les autorités, les portes de la Ville sont restées fermées et la population vociférante, venue des faubourgs, n’a pu pénétrer. Une brèche a été ouverte dans les jardins de M. le Duc où tout a été arraché et ravagé. Cette journée appelée des « Tuiles », parce que la troupe reçut des pierres et des tuiles lancées du haut des immeubles, deviendra un récit épique sous la plume de Firmin Michelet. En réalité, un ouvrier était sûrement mort, peut-être trois. S’agissait-il d’une journée insurrectionnelle, révolutionnaire ? Pas du tout. Mais la Révolution naissante a besoin de symbolique. Le peuple grenoblois s’est rangé du côté de l’aristocratie locale contre l’emprise, jugée abusive, du pouvoir central. Pourquoi ? Stendhal se souvient : « Ce jour-là, je vis couler le premier sang répandu par la Révolution française ». Cette journée dauphinoise, si banale en soi, prendra, de par ses conséquences nationales, une ampleur considérable. Ainsi, la célèbre interrogation de l’abbé Emmanuel Joseph Sieyès : « Qu’est-ce que le Tiers-État ? » prendra tout son sens quelques jours plus tard, en janvier 1789. Le Tiers est tout, soit le reste du royaume ou 98% de la population. L’abbé exclut catégoriquement tous les privilégiés de la Nation. Véritable brûlot politique, cette affirmation deviendra le tombeau de la noblesse privée de toute légitimité et le bréviaire des députés du Tiers, préfiguration d’un État jacobin centralisateur, certes, mais moderne. En 1788, la situation de la monarchie est critique. La crise agricole est patente et l’hiver a été particulièrement rigoureux. La disette sévit dans les campagnes, d’où la crise financière. L’aristocratie refuse le renflouement de la caisse royale.  À suivre… 

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