Les seigneurs de la guerre

À Verdun, dans la première grande bataille aérienne de l’histoire, l’aviation se révèle incontournable. Le profil du nouveau combattant des airs se dessine : jeune, diplômé, noble ou bien bourgeois. Une connivence sociale naît : « l’esprit aviateur caractérisé par une attitude chevaleresque à l’égard de l’adversaire et une forte indépendance de caractère ». Entre 1914 et 1918, l’aéronautique rassemble 90000 individus dont 16800 pilotes et plus de 2000 observateurs. En 1914, elle ne possède pas de statut ni de traditions. Arme hautement technique, elle nécessite un personnel spécifique à forte dominante d’officiers subalternes et de gradés. Quelques noms émergent depuis 1903 : les frères Wright, le brésilien Santos-Dumont, Gabriel Voisin, Louis Breguet qui décolle sur un biplan à ailes flexibles, en 1908 et Blériot qui traverse la Manche, le 25 juillet 1909. L’aviation est considérée comme un sport. Le général Foch déclare : « Pour l’Armée, l’avion c’est zéro ». Il le regrettera. L’instruction des pilotes est confiée à une poignée d’officiers. Le ministère de la Guerre achète 200 appareils et 400 moteurs, en 1911. Le 3 août 1914, la France aligne 132 avions répartis en 23 escadrilles. L’ennemi possède 252 appareils et 34 escadrilles. Les jeunes citadins rêvent à ces futurs héros et font de longs trajets à vélo pour les approcher. Les pilotes de chasse considèrent qu’ils pratiquent un autre sport, dangereux mais pas plus que la chasse. Les mécaniciens les envient. À leur passage, dans les tranchées, les Poilus les haïssent. Pourtant, cette nouvelle aristocratie payera un très lourd tribut à la Nation. Le 21 février 1916, les Fokkers et les L.G.V. expédient au sol les appareils français. Le 26, les Nungesser, Navarre, Guynemer, Brocard, Deullin, etc. « nettoient » le ciel de Verdun. L’hiver 1916-1917, les baraques Adrian, en bois et carton bitumé, précéderont le confort douillet des hôtels, la bonne chère et le succès auprès de la gent féminine. Eux, défieront la mort… Avec le sourire. Un très beau livre, bien documenté.

1 – « 1914-1918 – Les aviateurs au combat – Entre privilèges et sacrifice » – Ronald Hubscher – Éditions Privat – 327 pages – 2016 – 23 €.

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