En ces temps dits modernes, la poésie est peu lue. «Au temps d’Henri IV et depuis des millénaires, elle était au cœur de la cité, de toutes les passions, de tous les savoirs, elle était leur mémoire vivante. Au XVIIIe siècle encore, des thèses de médecine étaient composées en vers» affirme l’auteur, historien réputé (1). Sous-titré «Anthologie poétique d’un héros national (XVIe-XXe siècle) – Le rôle de la poésie dans la construction d’un mythe historique», l’auteur ajoute que l’iconographie d’Henri IV est protéiforme et immense. L’Histoire du roi «Henry le Grand» d’Hardoin de Péréfixe (1661) fut longtemps illustrée d’un portrait. Aux éditions de 1827, on trouvera deux vignettes : la naissance du Roi à Pau et une scène de bataille. Les éditions de 1837 et 1850 comportent une scène de combat et la victoire d’Ivry. Ernest Lavisse, dans son manuel d’enseignement aux tout petits (1954), «raconte une histoire comme le feraient des grands-parents à leurs petits enfants». Mais le mythe me direz-vous ? Au printemps de 1589, Paris vit dans une effervescence extrême. Henri III fut victime d’un complot et ne put se sauver du couteau de Jacques Clément «ce méchant moine». Henri de Navarre devenu Henri IV, est «un tyran d’usurpation pour les Ligueurs et un tyran d’exercice pour les catholiques modérés». Depuis l’âge de 15 ans, le roi de France n’a pas cessé de guerroyer. Il a échappé au massacre de la Saint-Barthélémy (1572) et s’est évadé de la prison de sa belle-mère en 1576. De cette vie dangereuse et de ses origines béarnaises, les historiens le considèrent comme «un personnage plutôt rustique sinon grossier». Mais en réalité, il fut au centre d’une vie artistique et brillante à la cour de Navarre, à Pau. Dès son intronisation en 1584, il laisse rimailleurs et pamphlétaires plaider pour et contre lui librement. On fait de lui un sorcier. L’opinion changera radicalement après l’ouvrage de Péréfixe qui en fit un roi de la Paix qui annonçait le nouvel âge d’or. En 1848, la bourgeoisie et le peuple s’en sont approprié. Il est devenu le Bon Roi Henri. Magnifique ouvrage à déguster.
(1) «Le bon roi Henri et les Muses» – Christian Desplat – Éditions Gascogne – 2018 – 25 €.