La laïcité ou la fracture ?

«Toulouse est la ville où, le 19 mars 2012, Mohammed Merah a assassiné des enfants juifs de l’école Ozar-Hatorah et leur professeur le jour du cinquantenaire de la mise en œuvre du cessez-le-feu au terme de la guerre d’Algérie» (1). En 106 pages d’un petit livre, Gilles Kepel analyse avec une grande lucidité les événements tragiques postérieurs. Il propose de renforcer la laïcité de notre République face à la forme de guerre «qui a changé de définition sur le sol de l’ancienne métropole». Il observe que la Haute-Garonne est voisine de l’Ariège où la communauté salafiste d’Artigat a été le creuset d’un salafisme français par lequel sont passées les figures les plus «fameuses» et «infâmes» du djihadisme. Il remarque que la laïcité n’est plus comprise par tout le monde de la même manière et que la fracturation de la société française fait l’objet d’un vocabulaire et d’une syntaxe inédits. Ainsi, entre le 7 janvier 2015 et le 26 juillet 2016, les attaques djihadistes perpétrées par des citoyens nés en France, éduqués dans des écoles de la République, ont causé 239 morts. Pour Merah, le professeur d’enfants juifs et les militaires portant l’uniforme français étaient tous des musulmans apostats – kouffar – ayant revêtu l’uniforme de «l’impiété». Il constate qu’après lui, nous sommes entrés dans une stratégie de djihadisme de troisième génération. Pays «d’Hérésie», la communauté d’Artigat du « cheik », de «l’émir blanc», Olivier Corel voulait construire un monde pur basé sur le sang. L’auteur craint que la France se «balkanise» et qu’il faille délivrer un diagnostic courageux devant la tendance communautaire ou l’identitaire qui se regardent en «chiens de faïence» face à un idéal de laïcité intangible, aujourd’hui incantatoire. Et l’auteur d’avancer une réflexion forgée, depuis des dizaines d’années, sur les quartiers populaires, les banlieues difficiles, l’environnement nord-africain et moyen-oriental qu’il nomme «rétro-colonial». L’universitaire Gilles Kepel nous propose un remarquable ouvrage sur le risque de fracturation de notre société.

1 – «Les rencontres de la laïcité – La laïcité contre la fracture ?» – Gilles Kepel – Éditions Privat – mai 2017 – 9,80 €

Laisser un commentaire