Danser le flamenco

Christine Diger relate magistralement la vie et l’œuvre d’une légende du flamenco (1). Manolo Marin est né le 22 avril 1936, à Séville, dans le bidonville Cerro del Aguila. Mercedes, femme de José, a mis au monde un petit Manolo. Les voisines accourues déclarent d’une seule voix : « Quel beau gosse, il promet ! On va en faire un danseur comme Oliver de Triana ! ». Cette déclaration populaire proclamée dans un climat d’arrestations et d’exécutions menées par les organisations militaires, phalangistes et carlistes du général Queipo de Llano, sera prophétique. 14000 Sévillans seront massacrés et « la terreur blanche finira par s’imposer ». Le 19 août, le poète Federico Garcia Lorca est assassiné, fusillé par les Phalangistes. Malgré ce contexte social dramatique, le petit Manolo grandit dans Triana, quartier de marins, d’ouvriers des faïenceries, céramistes et forgerons. Son rêve, son obsession, c’est la danse. Pour cela, il faudrait suivre des cours à l’académie Realito… que papa José, avec sa modique solde, ne peut régler. La grand-mère paternelle, épicière, payera les cours de la grande sœur Patrocino. À 7 ans, Manolo sort de sa timidité et, avec elle, il franchit le pont sur le Guadalquivir pour rencontrer le maître de danse. Il est fasciné par son discours qui insiste sur la personnalité et le caractère. Le maître décèle chez lui des aptitudes exceptionnelles. Il connaît déjà tous les pas de la siriguiya. Mercedes se prive de nourriture pour encourager ses enfants. Le quartier est trop pauvre. Mercedes accompagnera Patro à Barcelone. Deux jours de train et toute l’Espagne des défavorisés affluent là-bas. Patro et Manolo se produisent dans les cafés, théâtres, cinémas, restaurants, sous le nom de Los Chavalillos Sevillanos. Leur flamenco est passionné, sans concession. Ils dansent fandango, jota, verdiales, rondeña, alegria. Ils sont demandés en France, Japon, Mexique, Canada, Argentine, Allemagne, Italie. Manolo revient à Séville, en 1974, et fonde son académie. À 80 ans, il danse encore. Un livre éblouissant pour les amoureux de cet art venu du fond des âges.

(1) « Tout ce que je veux c’est danser» – Christine Diger – Éditions Atlantica – mars 2017- 19 €.

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