Mémoire gravée – suite

Pierre Provost est incarcéré à Fresnes « au secret, aucune lettre, aucune visite. Il est menotté la nuit » (1). En octobre 1943, il est prisonnier dans la division des otages et transféré au fort de Romainville. Là, entouré de miradors et de barbelés, les otages seront fusillés. 13 octobre : Compiègne, Fronstalag 122. Pierre rencontre Max Helbronn, résistant, Auguste Ménage, bourrelier, Dominique Ghelfi, Paul Hulet, ingénieur, Adrien Wilborts, pédiatre. 17 janvier 1944 : le « grand convoi » emporte 1985 résistants, entassés par cent, dans des wagons à bestiaux, en direction de Buchenwald. Dans ce lieu, « toute expression personnelle est clandestine et périlleuse. Il peut en coûter des sévices qui défient l’imagination, la mort n’étant pas le pire ». Là où règne l’interdit, cet extrait illustre parfaitement l’activité de Pierre Provost : « J’ai fait quantité de médailles et d’objets divers, en tentant toujours de reconstituer une partie du camp. L’outillage, je l’ai allongé, trempé là-bas : une aiguille, des bouts de ferraille, d’argent, d’acier servant de pointes à tracer ou de gouges. J’ai exprimé, sous forme d’allégories, les crimes effectués d’août 44 à avril 45 ». P. Les gravures se font sous la surveillance et la complicité de codétenus de confiance. Les matériaux proviennent d’échanges de cigarettes, de nourriture. Pierre explique dans ses carnets les figures géométriques, motifs, styles, symboliques, d’abord dessinés. Ses médailles et plaquettes sont offertes à un ami, un groupe, une activité de résistance, quelle que soit la nationalité. La vie dans le camp est atroce : l’appel du matin, 4 heures d’attente dans le froid intense, la pluie, le travail épuisant dans la carrière de pierre où les affamés, les faibles et les malades s’écroulent… pour toujours. Le 11 avril 1944, la IIIe armée américaine sauve in extremis les derniers 2000 condamnés. Le retour et la reconnaissance par les Beaux-Arts du graveur de talent. La Croix-Rouge diffusera le briquet historié, les cartes-lettres abondent, émouvantes. Un témoignage admirable.

(1) « Mémoire gravée – Pierre Provost – Buchenwald 1944-1945 » de Gisèle Provost – Éditions Loubatières – mai 2016 – 23 €.

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