Marise est juive, elle a 15 ans en 1943 et se cache sous un faux nom. « Tu ne le sais pas encore, mais à partir d’aujourd’hui, petit cahier, tu es mon meilleur ami et mon seul confident » (1). Le journal commence par ces mots : « Journal d’une égoïste née en 1927 à Jemmapes (Algérie) pour les boches, et, en vérité, à Paris, dont le nom est Camus pour les boches et Crémieux en réalité… ». Belle-mère de l’auteure, elle le lui a généreusement confié pour connaître la situation d’une petite juive qui doit changer de nom et de domicile, maintes fois, pour que les nazis perdent sa trace. Marise a écrit un premier journal en 1942. Georgette, la gouvernante héroïque, consciente du danger que ce document fait courir à la famille, l’a brûlé. « Par insouciance, provocation, déni du danger ou besoin brûlant de partager son secret, elle réitère et confie sa vraie vie à ce livret, en 1943 ». Née dans une famille française et républicaine, très aisée, où l’on n’est pas « juif » mais « israélite », son petit monde s’écroule lorsqu’elle apprend qu’appartenir à cette religion juive « originellement celle de sa famille » est un crime pour l’Occupant. Crémieux est un patronyme trop courant chez les juifs du Comtat Venaissin. Il faut changer de nom. Marise l’a compris et son journal devient sa seule liberté d’expression. Elle confiera, seulement, ses états d’âme « normaux », c’est-à-dire « son besoin d’amour, ses emportements, la coquetterie d’une adolescente, sa frénésie de vie ». Lors de la rafle du Vel’d’Hiv’, sa famille est recherchée… 13000 juifs seront déportés et assassinés. La famille a fui avant la rafle, prévenue par Zimermann, jeune lycéen comme Marise. Destination : Oppède-le-Vieux dans le Lubéron. Son père est arrêté en gare de Marseille malgré ses faux papiers. Elle ne le reverra plus. Ce sera pour la jeune fille de 15 ans une immense douleur qui l’obsédera. Son carnet secret révélera un témoignage poignant de quatre années d’angoisse et de sentiments mêlés. Marise est sortie du tunnel. Elle a trouvé le grand amour qu’elle espérait tant.
(1) « Journal d’une adolescente juive sous l’Occupation » – Marise Crémieux-Hurstel – Éditions Privat – 2015 – 14,50 € TTC.