L’art au bout des cornes

Paco Ojeda, à Dax, à la sortie d’une course landaise, sort déboussolé  et déclare en baissant les yeux « J’en suis incapable » (1). Tous les protagonistes des « coursayres » sont ici magnifiés par des textes poétiques et des photos sublimes de Cyrille Vidal. Véritables mousquetaires, hommes et fille écartrice jouent groupés en « cuadrilla » pour défendre l’honneur de la devise du troupeau. Le championnat de France et de Navarre est en vue. Parés de boléros rutilants, ils défendent, de Pâques à la Toussaint, les couleurs d’un manadier landais. «Des Landes au Tursan, du Gers au Béarn, et partout dans la Chalosse profonde, les mêmes affiches captivent les yeux ». La course a lieu pendant les fêtes patronales, accompagne les bals et les repas préparés pour les « festayres » : « La fierté villageoise est à ce prix ». Le fan-club du dimanche avec les mamies Jeanne, Françoise et Fernande vaut le détour. Elles idolâtrent Michel Agruna, le sauteur de leurs vingt ans, et gare à qui distillera des coups de griffes à leur chouchou. La peur pour compagne est le lot habituel des écarteurs et sauteurs. Aux derniers accents de la marche cazérienne, ils changent leurs habits de lumière aux couleurs vives pour « des boléros bien matelassés meurtris par des tumades successives et les assauts sans concession des coursières ». Derrière la talanquère, l’écarteur observe sa vache qui lutte avec la corde et ce maudit entraîneur qui veut la placer avant de foncer « rageuse, noire et vive ». La main gauche de l’athlète se crispe sur un mouchoir blanc pour citer celle « qu’il maudit, admire, vénère et respecte ». Teint blême et rictus sévère, elle sera pour lui son glorieux adversaire ou sa meurtrière. Ralenti artistique, feinte unique, « onde sans fin d’acclamations et d’applaudissements ». Le premier écart est bon, le triomphe se profile. C’est au tour des anges voltigeurs qui d’un élan franchissent le fauve ou les pieds dans un béret, deviennent roi de la voltige. Tout aficionado de cet art doit posséder ce magnifique ouvrage.

1 – «Course landaise – L’art au bout des cornes» – Photos : Cyrille Vidal, Textes : Gérad Suberchicot – Éditions Image du Pays – Point Sud – octobre 2004 – 45 €

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