La salle d’attente

Arrivés dans la salle d’attente de la gare d’Hendaye, «ils ne pouvaient plus faire demi-tour» (1). Ils, ce sont les immigrés venus du Portugal, poussés par la misère et le despote Antonio Salazar, dans les années 1965 à 1974. L’espoir, la volonté et l’envie de construire une vie meilleure renversèrent tous les obstacles, nous confie l’auteur. Mais la transition fut terrible… Document d’information, cet ouvrage contient des photos d’une grande sensibilité, traces de mémoire, prises par Gabriel Martinez, vers 1969. À celles-ci s’ajoutent des textes admirables d’émotion, de chaleur, de compassion et de vérité de Christian Caujolle, Manuel Dias Vaz, Isabelle Darrigrand et Gabriel Martinez. Cette « Sala de Espera » était le point de passage obligé sur la ligne du « Sud express » Lisbonne-Paris. Les migrants et leurs familles sont fatigués par des heures de voyage. Ils dorment d’un sommeil en pointillé à même une dure banquette en bois dans l’attente de papiers officiels à signer et d’un changement d’essieux qui, eux aussi, retardent l’accueil. Leurs physionomies trahissent l’appréhension, le désarroi avant l’arrivée dans l’inconnu de cette banlieue parisienne de Champigny-sur-Marne. Les visages tristes, les valises de carton ou de laiton ficelées, trahissent la douleur du pays que l’on quitte pour la première fois; exode massif de deux millions de personnes de « Tras-os-montes » et « das beiras » à la frontière Portugal-Espagne. À partir de 1970, les Portugais restent chez nous et ne tarderont pas à représenter la plus importante communauté. Religion et culture similaires y sont pour beaucoup. Pour autant, cette migration fut-elle heureuse ? Aussi, beaucoup d’entrées clandestines de sans papiers qui ont fui les polices des dictateurs pour trouver refuge auprès de leurs compatriotes. Le dur labeur qui les attend n’entamera pas leur détermination, leur rêve, leur nostalgie, leur solidarité. Quelques années plus tard, certains d’entr’eux sont retournés chez eux « fortune faite ». D’autres, plus nombreux, ont été naturalisés. Les émigrants d’Afrique ou de Syrie auront-ils cette chance ?

1 – «Sala de Espera» – Gabriel Martinez – Éditions Atlantica – avril 2008 – 20 €

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