La République sacrifiée

Jean Ortiz met à l’heure les « pendules » de l’histoire espagnole récente : « Non, la loi d’amnistie espagnole (1977) n’était pas la loi vertueuse ou cicatrisante tant attendue. Établir une équivalence morale entre les vainqueurs et les vaincus de la guerre d’Espagne, c’est une autre façon de cracher sur les tombes. Non, les Républicains n’étaient pas des rebelles; ils défendaient une Constitution approuvée et un gouvernement légal » (1). Tout est dit. L’auteur part en croisade contre les mythes de la guerre d’Espagne. Le 28 juin 1931, les Cortes de la Constituante avec les socialistes et les radicaux en tête, définissent le pays comme un État laïque et une « République démocratique de travailleurs de toutes classes ». Elle sera modérée et accordera le droit de vote et d’élection aux femmes. Suivront des acquis sociaux et culturels sans précédent : journée de travail agricole de 8 h, réforme agraire, droit pour tous à la Sécurité sociale, salaire minimum, etc. Mais, les grands propriétaires – 1% de la population possède 51,5% de la terre – se comportent toujours « en petits dictateurs locaux ». En 1936, le Front populaire sera progressiste mais peu radical. Les classes dominantes « l’assimilent à une anti-Espagne à éliminer. Les putschistes de 1936 appellent ouvertement au meurtre ». En Navarre conservatrice, les « requetés » carlistes assassinent 3452 Républicains. La « Retirada » de Málaga précède la grande. Le 26 avril 1937 : bombardement de Guernica par les Heinkell 11 et les Junker 52 : 1654 morts, 889 blessés ! Le Primat de l’Église espagnole justifie le bombardement sur injonction de Franco. Les banques espagnoles soutiennent le soulèvement fasciste. Par une analyse brillante et fort documentée, Jean Ortiz fait le récit tragique, ô combien, de l’action des forces syndicales et politiques d’Espagne avant qu’une chape de plomb s’abatte sur le pays. L’épuration, l’esclavage dans les camps et la liquidation physique des Républicains feront rage jusqu’à la mort du tyran, en 1975. Un très grand ouvrage d’histoire contemporaine.

  1. «Espagne – La République est de retour – de 1931 à nos jours» de Jean Ortiz – 355 pages – octobre 2014 – Editions Atlantica – 18 €.

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