La Guerre à Mende

Albert Jurquet est chef de division à la préfecture de Mende, en Lozère. Dès le 26/07/1914 et jusqu’au 31/12/1918, il tient un journal (1). Le 2 août, il a 49 ans et la conscience qu’un événement militaire historique se prépare. Jour après jour, il note « ce qu’il voit autour de lui et ce qu’il ressent ». Le 7 septembre, il est révolté par le comportement de certains Mendois qui refusent d’accueillir les premiers réfugiés de la guerre. Cet « égoïsme bourgeois » le décide : « Le vase est plein. J’écris ». Né d’un père maçon et d’une mère sans profession, il devient instituteur. En 1886, il fait son service militaire dans le 122e de ligne avec le grade de sergent fourrier. Revenu à la vie civile, en 1889, il effectue des périodes dans les régiments territoriaux d’infanterie d’où il sera libéré le 1er novembre 1911 avec le grade de lieutenant. En 1899, il épouse Éva Bilanges, institutrice suppléante, dont il aura 3 enfants. C’est l’aînée, Rose, qui héritera des 53 dossiers de son journal – un par mois – et les gardera précieusement au fond d’un placard jusqu’à leur découverte, en 1980. L’homme connaît bien les 4 territoires de son « Gévaudan » : Cévennes protestantes, Margeride, Aubrac et Causses catholiques. Les Cévennes sont fidèles à « la Révolution et à la République », les autres se sentent obligés « de ne pas faiblir devant la résistance séculaire des huguenots ». Albert Jurquet aura deux ennemis : les cléricaux et les Anglais. À la Préfecture, il est chargé du dossier des réfugiés et côtoie les grands élus de Lozère : De Las Cases, sénateur catholique, Monestier, député radical, Ribot, président du Conseil, Joly, maire de Mende. L’équipe de Rémy Cazals a dû se régaler à la lecture de tous ces feuillets descriptifs et caustiques d’un observateur infatigable qui décrit une société rurale terriblement secouée par les drames d’une guerre interminable et les arrivées quotidiennes de blessés dans les 8 hôpitaux militaires provisoires du département. Un ouvrage remarquable sur la vie sociale d’un pays, à l’arrière-front, en temps de guerre.

(1) «Guerre à Mende – Journal de l’arrière-front 1914-1918» de Jean Guiloineau – 330 pages – janvier 2014 – Editions Privat.

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