Comme beaucoup d’écrivains, Edmond Rostand fut hostile à la guerre avant d’adhérer au message d’union nationale (1). Le 31 juillet 1914, Edmond Rostand écrit à Raymond Poincaré, ancien avocat des gens de lettres et Président de la République : « J’estime qu’en ces heures qui vont peut-être venir, vous aurez besoin autour de vous de l’état-major de toutes les bonnes volontés; veuillez croire que j’accepterai la place la plus humble de secrétaire, certain que je suis de la remplir avec l’amour le plus passionné de la France… ». Cet extrait résume bien ce que furent les quatre dernières années de la vie du poète. Adulé des Français, cet homme malade et mélancolique, met sa plume au service du Pays. Dans la soirée, Jean Jaurès achève de dîner en compagnie de Renaudel, rédacteur de « L’Humanité ». Soudain, une vitre éclate, une main armée d’un révolver tire deux balles sur le tribun pacifiste. Raoul Villain dira qu’il a tué un traître à la Patrie. Edmond Rostand a 46 ans, Rosemonde Gérard, sa femme qui a pris un amant, 48 ans, ses deux fils : Maurice, 23 ans et Jean, 20 ans, biologiste célèbre en devenir. Le grand mérite de l’auteur, excellent biographe du poète, est de nous plonger, jour après jour, dans un milieu d’artistes, d’écrivains, d’hommes politiques en vue, pendant les quatre années d’une France qui souffre de la férocité de la guerre, qui pleure ses morts innombrables et qui espère malgré tout. Rien ne manque à ce très bel ouvrage; ni la dépression courageuse du maître, à Cambo, ni la jalousie et les intrigues d’un monde riche et frivole. Le couple Rostand va s’investir « avec détermination en apportant leur contribution dans de nombreuses missions humanitaires dans les hôpitaux militaires temporaires ». Arnaga, Bayonne et le Pays Basque sont mis en exergue. Le poète ressentira les premiers effets de la grippe espagnole, le 20 novembre 1918, avant de regagner l’Olympe, le 2 décembre. La foule à Paris et les obsèques à Marseille furent grandioses. Un ouvrage documenté écrit avec le cœur.
(1) «Edmond Rostand dans la Grande Guerre 1914-1918» de Michel Forrier – Éditions Gascogne – 460 p – avril 2014 – 25 € TTC.