Il écoutait Jaurès

En août 1914, Charles Patard rejoint le 304e Régiment d’Infanterie de réserve. Issu d’un milieu rural modeste, cet autodidacte s’est forgé des convictions religieuses et politiques personnelles (1). Il est alors âgé de 30 ans; avec son épouse, il tient une épicerie à Sées, au nord d’Alençon, dans l’Orne. D’Argentan qu’il quitte le 6 août, il se retrouve à Charny-sur-Meuse, à 8 km de Verdun. Il livre son premier combat le 24 août à Spincourt (Meuse). Bloc-notes de 26 pages, lettres poignantes à son jeune frère Joseph, tué en 1917, son commis à l’épicerie, paraissent dans l’ouvrage. 5e enfant d’une famille de 8, il s’est instruit tout seul et passionné pour la Philosophie. Pacifiste avant la guerre, son jugement politique est imprégné des idées de Jean Jaurès. Dans ses lettres, toujours accompagnées d’un billet de 5 francs, il exprime « sa révolte contre les hommes politiques, ceux de droite qui ont réclamé la revanche et veulent la guerre jusqu’au bout et ceux de gauche qui ont abandonné l’Internationale ouvrière et laissent les soldats livrés à leur sort ». Il passe 3 ans dans les tranchées. Juin 1915, à Joseph : « Dans le conflit actuel, chaque peuple rejette la faute sur l’autre peuple et l’on pourrait conclure : si aucun peuple n’a voulu la guerre, aucun n’a rien fait pour l’empêcher; oui, la même haine a été entretenue de chaque côté, les mêmes journaux nationalistes et cléricaux, français comme allemands, ont redoublé d’injures ». Il reçoit de son jeune frère le journal « Les Hommes du Jour ». Joseph Patard sera tué le 14 juin 1917, à Berry-au-Bac, à l’âge de 20 ans. En mars 1919, Charles revient chez lui. Le commerce a périclité mais il redeviendra prospère. En 1921, il est délégué à « L’Union universelle » fondée par Henri Demont. Marie, sa femme, décède en 1963 et lui-même atteint d’un cancer, le 1er août 1966, disparaîtra à l’âge de 82 ans. Un témoignage plein de force en faveur de la Paix face à des peuples qui voulaient aller « jusqu’au bout ».

 

(1) «Si on avait écouté Jaurès» d’Isabelle Jeger – Charles Patard – Notes de guerre et correspondance 1914-1917 – Éditions Privat – 131 p – Janvier 2014 – 14 € TTC.

 

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