73 – Us et coutumes dans les H.P

Les Pasteurs-Bergers – 3 – Après toutes ces rixes sanglantes, vint le temps des compromis. Les pasteurs ne se livrent plus d’assauts de bâton meurtriers. Ils échangent des gros mots et constatent, parfois, la disparition de quelque mouton qui aura été mangé, sans doute, au parc voisin. Pendant le parquage, les bergers font rôtir les moutons qui sont fournis par chacun d’eux, à tour de rôle. Un mouton dérobé était signalé, les frustrés ne portaient plainte et ne réclamaient l’animal volé. Pourtant, la recherche serait facile, chaque bête porte à l’oreille et sur le chanfrein la marque du propriétaire. Le mouton, embroché à une longue tige de saule posée sur deux piquets fichés en terre, est exposé à un feu ardent. Rôti, il est coupé en tranches jetées sur un lit de paille où chacun pique de la pointe de son couteau le morceau fortement assaisonné d’ail, posé sur du pain, mangé sur le pouce. Le barillet circule à la ronde, les têtes s’échauffent, les chants éclatent. Les anciens causent des combats soutenus, dénombrent les bonnes captures; les jeunes devisent de leurs nombreuses amours, des pâturages qu’ils parcourront demain. Les cris, les rires formidables mêlés aux bêlements du troupeau, au tintement des clochettes fêlées, aux jappements des labris féroces, les figures énergiques des bergers, tannées par le soleil et leur poitrine nue, produisent l’effet le plus étrange, ouïs et vus à travers la feuillée, sur le gazonnement des aunaies. Les quartiers de moutons réservés pour les jours suivants, placés au sommet d’une perche plantée en terre, paraissent, à la flamme vacillante du brasier, les restes informes d’un repas monstrueux sur lequel flotte une persistante odeur de suint. Cette franche lippée dure jusqu’au changement de parc qui se fait à une heure variant selon la longueur des nuits. Chaque pasteur regagne ensuite sa tente (palhasse) faite de paille et de toile bise et dort roulé dans des peaux de mouton. Ces festins furent si plantureux qu’ils donnèrent le proverbe : « Hart coun’u ca de barguero – Repu comme un chien de bergerie ». Décidément, l’écho des rencontres violentes s’est bien affaibli.  À suivre…

 

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