Un orchestre typique espagnol à Mauthausen

Déporté à 16 ans, le jeune Madrilène Luis Garcia Manzano raconte comment il voulut créer, en 1943, une troupe de musiciens espagnols «Rondalla» (1). L’idée pouvait paraître folle tant dans la froide morsure d’un camp de la mort, les brimades, la faim, l’horreur étaient le lot quotidien des 10000 Espagnols entrés dans cette enceinte de l’effroi. Durant 40 ans, ce texte a dormi dans un coin de bibliothèque. José Fernandez «El Inglès», déporté en 1941, ne parlait pas de Mauthausen. Ce récit de résistance, «fabuleux pied de nez à l’horreur et à la mort», est un témoignage poignant de Républicains espagnols que «le fascisme triomphant en Europe voulait détruire jusqu’au dernier». Le premier orchestre jouait avec 4 bandurrias, instruments à 6 cordes, et deux guitares. Les musiciens : Ramon Botella, maçon et marbrier madrilène, Manuel Sanchez, mineur Asturien, José Fernandez, Andalou, travaillant au salon de coiffure, Francisco Boix, Catalan, photographe au laboratoire de la Gestapo du camp. Mais où fabriquer ces instruments dans ce camp n° 1 qualifié de «plus humain» ? Dans les caves où se trouvaient les fours de chauffage pour le quartier des SS, avec l’accord du kapo, chef du bâtiment. Ensuite, où se réunir pour les répétitions ? Près des fours crématoires…lieu peu fréquenté. Le répertoire : Noche de Ronda, Caminito, España cañi, España flamenca, Sitio de Zaragoza, Jota Aragonesa, Himno de Riego (hymne de la République espagnole). Après des journées harassantes, leur morceau de pain à la main, les musiciens couraient pour donner leur concert, avant le couvre-feu, dans des baraques pleines à craquer. Succès extraordinaire pour «La Rondalla». Pour les prisonniers, une soirée volée à la mort. Le commandant du camp, colonel Franz Ziereis, averti, voulut son concert, au réfectoire SS, dans la soirée de Noël 1943. Triomphe assuré devant les bourreaux imbibés de bière et de Schnaps. Récit fascinant, documentation sur le camp excellente, ce petit livre bilingue se lit d’un trait. Je le recommande vivement.

 

(1) «La Rondalla de Mauthausen» – Luis Garcia Manzano – Traduction Jacques Fernandez – Éditions Privat – Avril 2013 – 14 € TTC.

 

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