De Ripoll à Toulouse

C’est l’écriture au scalpel d’une histoire tragique (1). Récit aux couleurs froides d’une famille misérable, aux fins de mois difficiles; les «invocations à la Vierge Marie» n’y feront rien, la maman, usée,  mourra d’un cancer. Dolorès, 8 ans, devient la maîtresse de maison de la mansarde des Torrès. Son père, Jep, s’indigne. Elle n’a pas appris à lire chez les Sœurs, juste un semblant de dextérité à croiser trois aiguilles pour confectionner des chaussettes. Il l’inscrit à l’École communale. Dolorès en veut à la Vierge de ne pas éloigner la misère d’un foyer où résident une grand-mère aveugle et cinq enfants, encore jeunes. Quelles ruses ne faut-il pas déployer pour alléger les taxes d’entrée des produits, à l’octroi de la ville. À 12 ans, elle a repéré, à 4 km de Ripoll, du bon bois de chauffage. Avec deux amies, elles transportent un jeune tronc coupé. Hélas, Gordan, le propriétaire, déboule «soufflant comme un phoque et l’air menaçant», les traite de voleuses et leur dépêche la Guardia civil ! À 14 ans, elle prend le chemin de la filature Gafallups où elle sera secrétaire du syndicat anarcho-syndicaliste CNT. En 1919, c’est la grande grève pour obtenir les 8 heures. Refus des employeurs qui font appel aux «jaunes». Dolorès est la seule ouvrière à savoir lire et écrire. Elle rédige les affiches et distribue la soupe populaire. Avril 1937, les Messerschmitt lâchent leurs bombes sur Guernica. Février 1939, la débâcle, l’exode et les troupes franquistes sont à Barcelone. Il faut fuir vers le camp «d’accueil» de Magnac-Laval, près de Limoges. Février 1940, un décret de Daladier permet aux femmes exilées de revenir au Pays. En mai, Dolorès Prat comprend qu’elle sera victime de la «chasse à courre du franquisme» et, avec l’aide d’une guide, franchit les Pyrénées par le col Pregon, dans la Sierra de San Juan. En bas, entre La Fargua et Prats-de-Mollo, Marie Vilalonga l’attend à bras ouverts avant Toulouse et la liberté. Un récit douloureux, admirable.


(1) « Dolorès – Une vie pour la libert頻 – Progreso Marin – Éditions Loubatières – novembre 2008 – 20 €.


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