Johann Trollmann, tsigane allemand, boxeur vedette des rings dans la république de Weimar, devient la bête noire du IIIe Reich (1). Son sang serait impur, sa race corrompue, ses poings dathlète bondissant, insaisissable, malin et charmeur, et ses pieds trop rapides. Sa seule présence est une insulte à lidéal nazi. Il a le style virevoltant du grand Cassius Clay «et ces coups de poings précis, dont la force part des orteils. Drôle de type. Pugiliste sans peur, Gitan de la tribu des Sinti, les Tsiganes allemands enracinés depuis des siècles dans le sol allemand, joyeux, espiègle, tombeur, gentil, pour ce quon en sait. Aérien et piquant, volage et mordant». Le Gitan gravit tous les échelons jusquà la finale des poids mi-lourds que tout le pays attend : Trollmann à la peau basanée contre Witt de race blanche, pure, dun vrai aryen. Les sinistres S.A lui ont mis le marché en main. Ou il se couche et il pourra boxer encore dans les foires ou alors il sera éliminé avec sa jeune femme Thérésa. Il refuse et domine impitoyablement. Larbitre terrorisé déclare le match nul. On frise lémeute dans la salle. Les sbires de Hitler ne lui pardonneront jamais et ce sera la longue descente vers lenfer. En 1938, les Tsiganes allemands sont déclarés «antisociaux». Réduit à létat de paria, il espère une issue favorable par lenrôlement des Senti sur le front russe. Il survit. Mais la bestialité et la haine de ses bourreaux le poursuivront jusquau camp de Neuengamme, au sud-est de Hambourg, où il est lobjet dexpériences de stérilisation. Victime de la «dévoration» de ses semblables, Johan Rukelie Trollmann est mort exécuté dune balle dans la nuque par un S.S ivre. Louvrage de Greg Lamazères est un récit accablant, déchirant dhumanité, atroce de vérité historique qui nous révèle la période noire de limplantation nazie, dès 1933. Magnifique et terrifiant de précisions sur lholocauste de la population tsigane. À lire absolument.
(1) « Dernier round à Neuengamme » – Greg Lamazères – Éditions Privat – janvier 2009 – 18 TTC.