Napoléon Bonaparte ne sest jamais intéressé à la cuisine et encore moins à la gastronomie (1). Lui qui ne peut patienter à table plus de 20 mn, a délégué «les repas dapparat comme un instrument de gouvernement» à Talleyrand et Cambacérès. À la caserne, deux repas rythment le quotidien, le matin vers 10 h et le soir vers 17 h. Mais les militaires sont presque toujours en campagne et, là, soldats, sous-officiers ou officiers se nourrissent «quand ils ont trouvé quelque chose». Ici, commence une étude magistrale du cuisinier et du personnel des cuisines, des grands chefs, notamment Marie Antoine Carême dit Antonin (1783-1833) qui affirme : «Un cuisinier voit plus souvent la mort en face quun soldat». La cause ? La combustion incomplète des foyers à charbon de bois dans un local fermé – le courant dair est lennemi des plats qui doivent conserver leur chaleur – dégage linodore monoxyde de carbone. La description du service à la française est un éblouissement. Pour 72 convives, 1er service : 24 potages, 24 relevés, 36 entrées et 48 entremets, 2e service : 24 rôts, 36 entremets, 3e service : 72 assiettes, repas servi dans 264 plats ! La guerre introduit des nouveautés culinaires : le sucre de betteraves et les conserves. DItalie, les troupes ramènent la pizza, panettone, tiramisu, ossobuco, mozzarella, parmesan, pal coppa, ricotta, risoto, dEspagne : piperade, chorizo, tapas, tortilla, gaspacho. En 1809, un tableau rappelle les mets et menus du moment, dAbbeville à Yvetot. Sont évoqués lasperge de La Quintinie, jardinier de Louis XIV, la pomme de terre arrivée à Paris, en 1593, le maïs vers 1570, le manque de pain qui déclenche la Révolution française, loignon, le vin, sorbets et «neiges», lusage de la pipe «succédané de la nourriture». Enfin, pour les curieux et les gourmands, les 95 recettes pour les cérémonies et le bivouac, sont un attrait complémentaire de ce magnifique ouvrage. Ce brillant historien régional na pas fini de nous étonner.
(1) « Des grognards à Napoléon, les cuisines de lEmpire » – Jean-Paul Escalettes – Éditions Loubatières – mars 2004 – 29 TTC.