Jean le Cagot

Il aura fallu plus de trois siècles pour que la malédiction ne pèse plus sur les cagots (1). De la lettre supplique que les «agotes» de Navarre adressent au pape Léon X, en 1514, à la lettre que le ministre de l’Intérieur adresse au préfet de Tarbes, sous Napoléon Ier, sur «l’état actuel des caqueux ou cagots qui formaient jadis une caste distincte, notamment en Bigorre», quel chemin parcouru ! Il faudra «le brassage de la première Guerre mondiale et l’exode rural pour qu’enfin disparaisse la malédiction des cagots» affirme l’auteur. Tous les détails de cette trame sont justes et vrais, relatés dans une langue agréable et puissante avec émotion et tendresse pour Jean le charpentier. Le thème central du livre est l’exclusion. L’auteur dépeint le drame des Cagots, seraient-ils de Navarre, de Bigorre, du Couserans, de Haute-Garonne ou plus largement du Languedoc, et décrit la tragédie de cette population honnie, reléguée à l’écart des villages, détestée, violentée, interdite de communauté villageoise depuis les premières archives sur les «Chrestias», au XIVe siècle. L’épopée de Jean le cagot, originaire de Labastide, se lit avec avidité tant l’atmosphère du récit y est prenante. Devenu à son corps défendant le représentant des humiliés, ayant touché le «Livre» sur une pulsion irrépressible, Jean fera deux rencontres capitales : un parlementaire de Toulouse devenu son conseiller et une femme Axel de Rhune qui bouleversera sa vie d’homme. Son combat opiniâtre pour ses frères de misère le mènera jusqu’à la rencontre du futur roi soleil venu se marier sur l’île des Faisans. Les rebondissements ne manquent pas sous la plume de Jean-Jacques Rouch qui signe là un excellent ouvrage qui vaut autant pour la découverte d’une période historique peu connue du grand public que par l’imagination féconde mais ô combien réaliste d’un auteur très inspiré.

 

(1) « Jean le Cagot – Maudit en terre d’Oc » – Jean-Jacques Rouch – Éditions Privat – mars 2012 – 18 € TTC.

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