Chantecler

Créée en 1910, Chantecler reste une pièce singulière dans l’œuvre d’Edmond Rostand (1). En décembre 1902, le poète se promène dans la campagne de Cambo. Son regard est attiré par un modeste poulailler. A la hâte, il regagne « Etchegorria » demeure qu’il occupe avant la construction d’Arnaga. Il veut fixer sur le papier l’idée directrice d’une nouvelle œuvre qu’il appellera « Chanteclair ». Ce n’est qu’en 1907 qu’il adoptera la graphie « Chantecler ». Il envoie à Coquelin un télégramme pour qu’il vienne à Cambo. L’acteur croit qu’il veut s’entretenir du « Don Quichotte » évoqué il y a quelques mois. Rostand précise que la nouvelle pièce se passera dans une cour de ferme et les personnages seront des animaux. Stupéfaction, ironie de Coquelin : « Êtes-vous sérieux ? » Très sérieux, répond le poète. La première aura lieu en 1910. Les billets se vendent au noir jusqu’à 2500 F ! La scène bruit du « tintement de grelots, sonneries de cloches, aboiements lointains, bourdonnements d’insectes, gazouillis d’oiseaux ». Le merle est siffleur, la pintade dame du monde, la faisane courtise le coq Chantecler. Le chien, le chat, le canard, la taupe font des commentaires acides les uns sur les autres. Rostand a voulu que le coq « qui fait lever le soleil », considéré comme étalon, souligne l’écart dans l’échelle sociale qui le sépare des autres animaux de la ferme. La salle est partagée entre admiration de la poésie symbolique et l’incompréhension ou l’ironie moqueuse. Cette pièce fera 360 représentations d’affilée. Son succès ne se démentira jamais. En 1914, pour éveiller le patriotisme, on confondra le coq de Chantecler avec le coq de la République. Mais l’heure de Chantecler sera celle de la Victoire que le dramaturge entreverra à peine. Il s’éteint le 2 décembre 1918 victime de la grippe espagnole. Un magnifique travail de Michel Forrier. Une référence sur le sujet. 

 

(1) « Chantecler, un rêve d’Edmond Rostand » – Michel Forrier – Editions Gascogne – février 2010 – 23 €.

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