Les réalités de la corrida

La rencontre du langage économique et celui de la corrida font de ce livre un document absolument original sur les mœurs traditionnelles sinon archaïques d’une pratique festive sur le déclin (1). L’auteur déclare : « Quoi de plus controversé que la corrida ? Sujet de polémique, l’économie taurine espagnole n’échappe pas aux ambiguïtés. Elle prête à hypothèses hasardeuses car elle reste mal connue du grand public et nourrit une marge d’erreurs non négligeable ». Sa progression semble liée à la croissance économique. Pour preuve, la crise engendre une diminution de 445 corridas, de 2008 à 2009. Pierre Traimond fait, sans cesse, l’aller-retour entre la crise financière espagnole, à partir du krach de l’immobilier en 2007, avec ses répercussions sur le milieu taurin. La participation des classes moyennes aux réjouissances taurines en pâtit, forcément. Ce très instructif survol du mundillo, jette une lumière crue sur les réalités de la corrida d’aujourd’hui. Les situations locales en Espagne, France, Mexique, Pérou, sont scrutées à la loupe par cette étude sérieusement documentée. Un livre anti-corrida ? Absolument pas. Bien au contraire, à mettre entre les mains de tous les aficionados pour leur faire toucher du doigt l’écart qui existe entre 4 ou 5 grands toreros : Manolete, le franquiste, El Cordobès, le médiatique, Jesulin de Ubrique, d’hier, El Juli, Morante de la Puebla ou Jose Tomas, aux cachets fabuleux d’aujourd’hui et les pauvres peones et campesinos venus du Maroc ou de Roumanie emportés par le maelström des intermédiaires prête-noms échappant à tout contrôle fiscal. N’oublions pas : la majorité des toreros, banderilleros et picadors deviennent des « intermittents du spectacle » quand le nombre de corridas diminue depuis 2008. Pour ma 400e chronique, un ouvrage de réflexion salutaire.

 

(1) « Economie et gestion de la corrida » – Pierre Traimond – Editions Gascogne – janvier 2011 – 25 €.

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