Un habitant du Piémont pyrénéen

L’auteur est archéologue et vient d’écrire son premier roman (1). Gommier, le narrateur, s’est retiré dans une maison du Piémont. Cela aurait pu être ailleurs. Il y vit très simplement, n’a pas d’activité régulière, pas de métier précis. Il passe ses journées avec les quelques habitants qui sont encore là. Comme eux, il tue le temps entre l’oisiveté, les discussions sans queue ni tête, la recherche des champignons, la préparation des repas, les tournées de bière à la fête du village et la voisine dans les bois. Je ne pourrais mieux dire que cette présentation de l’Éditeur. Le style est précis, documenté : « Tout le coin des Artigues se trouve dans les schistes et les micaschistes ; le sol est jonché de feuillets gris souris, rouille, aile de corbeau, char d’assaut… tout ce que vous voudrez comme nuances métallisées. L’eau brune comme si on y avait fait infuser de la réglisse, y coule dans d’hésitantes rigoles qui creusent une terre pailletée, sentant parfois le camphre après la pluie quand elle est tiède. On fait avec ça des villages sombres et bas, des maisons qui sont comme des mille-feuilles délités piégeant l’ombre entre leurs plis ». On reconnaît la science de l’archéologue. Truculence de l’auteur : « Ce jean-foutre de voisin met de la (tuile) canal, il a toujours voulu faire provençal, il se croit où ce rat酠». Aussi quand il parle du village des Esbareilles (Bareilles), au mois d’août :  » On pourrait ajouter qu’avec la chaleur y stagne une puanteur de croupi, de fosses septiques exsangues qui, elles, capitulent et de charogne chauffée, finalement pas si désagréable que ça ; les maïs ne sont pas loin, juste derrière les façades, et quelque gros blaireau a dû venir y crever, de langueur ou des coliques exagérées ». Des formes rares, une langue verte, un style unique. Je recommande. (1) « Carne» — Pierre Cahen Claverie — Editions Loubatières — avril 2009 — 19 €. 

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