Drancy : le camp de la honte

Après lecture de cet impressionnant ouvrage préfacé par l’historien Serge Klarsfeld, je suis accablé (1). L’auteur est directeur du Mémorial de la Shoah à Drancy. À ce titre, il permet d’accéder pour la première fois à l’intégralité des photographies et dessins en possession du Mémorial relatifs à l’histoire du camp de Drancy, de 1941 à 1944. Pourquoi suis-je accablé ? Comment une cité HLM modèle, intitulée « La Muette », a-t-elle pu devenir un camp de transit avant déportation vers les camps nazis d’extermination ? Rappelons que ce camp n’est qu’une excroissance de « La Muette » sous la forme d’une construction en U placée en bout de 10 bâtiments de 4 étages et de 5 tours dressés « en peigne » de 14 étages. Cet ensemble de 10 ha est considéré comme le premier grand ensemble à la française. En 1942, les nazis décident d’implanter des ghettos de mise à mort des Juifs d’Europe, à l’est et des camps de transit, à l’ouest. « La Muette » devient le principal lieu d’exclusion et d’internement des Juifs de France. Conçue en 1931 pour améliorer la vie des hommes, elle accueillera 80000 Juifs. « Le quart de la population juive de France sera transféré au camp de Drancy, déporté aussitôt, puis, après trois jours de voyage dans des wagons plombés, gazé et le corps brûlé ». Les nazis avec la complicité du régime de Vichy, décidèrent de son ouverture, ses règlements, son fonctionnement et l’organisation des déportations. Un individu est arrêté, privé de liberté dans un monde clos, bruyant et surpeuplé, dans des conditions d’hygiène et d’alimentation difficile. Dans une angoisse et une détresse profondes, il attend le transfert vers les camps d’extermination via les gares du Bourget ou de Bobigny. Le premier convoi date du 27 mars 1942; le dernier, le 31 juillet 1944, avec 1300 internés dont 330 enfants. Peu d’évasions, les gendarmes français veillent. Le 17 août 1944, 51 résistants internés se retrouvent seuls, les nazis ont fui. Un ouvrage clair, dense, rehaussé par de multiples photographies de lieux, d’hommes, femmes et enfants aux destinées tragiques.

1 – «Drancy un camp d’internement aux portes de Paris» – Jacques Fredj – Éditions Privat – avril 2015 – 30 € TTC.

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