L’auteure retrace la vie de Francisco de Goya à Bordeaux pendant ses quatre dernières années – 1824-1828 (1). Il a été peintre de chambre du roi Charles IV. En 1792, lors d’un séjour en Andalousie, il a contracté une maladie qui le rend complètement sourd. Est-ce le saturnisme du plomb de ses peintures ou la syphilis ? Trois ans plus tard, il renonce à son poste de l’Académie de San Fernando à cause de sa surdité. Alors « son œil se pose sur les errants, les souffrants, les miséreux, les invisibles de la société ». En 1819, la fièvre typhoïde atteint l’artiste. Les céphalées, les délires, la paralysie partielle ralentissent sa démarche. Le 24 juin 1824, la calèche le dépose sur la Plaza de la Aduana. D’ici partent toutes les diligences vers la France. Il monte avec difficulté dans « La Catalana ». Le postillon l’a reconnu. Il lui offre un confortable coussin qui amortira les cahots de la route d’un fatigant voyage vers la France. Il faut lui parler haut et fort. Goya pense à La Quinta del Sordo, sa maison de campagne rustique des alentours de Madrid, au bord du fleuve Manzanares, qu’il a fermée à clé. Il y a laissé un cycle pictural qui fera date avec ses « Peintures noires » qui annoncent la modernité. Il a peint « la guerre, la famine, les harcèlements des personnes âgées, la violence faite aux femmes et les personnes défavorisées ». Goya « assombrit sa palette, supprime les couleurs vives pour dénoncer le climat oppressif que vit l’Espagne ». Depuis le retour d’exil en France de Ferdinand VII, en 1814, l’absolutisme féroce d’une Inquisition rétablie sévit contre les libéraux. L’exil du peintre à Bordeaux est volontaire. Il y retrouvera sa joie de vivre et de nombreux amis Espagnols exilés. Il y passera une retraite en famille avec sa compagne Leocadia et ses enfants. L’auteure compare la situation de l’artiste à celle du philosophe Michel de Montaigne, auteur des « Essais », qui fuira, ici, les mondanités. Goya s’investira dans les dessins, la lithographie et les miniatures. Bien documenté, l’ouvrage est vraiment passionnant.
- « Le dernier Goya – De reporter de guerre à chroniqueur à Bordeaux » – Maria Santos-Sainz – Éditions Cairn – octobre 2020 – 20 €.