L’auteur est un ancien journaliste, rédacteur en chef technique à l’Équipe, un ancien joueur qui dresse un tableau réaliste et dramatique à la fois sur un rugby à XV « qui fut d’une grande fluidité visuelle, tandis qu’on jouait, on donnait du plaisir aux gens. Aujourd’hui, le même sport étouffe dans un règlement prolifique et indéchiffrable, des joueurs musculeux tiennent le ballon comme un parpaing et l’affrontement de deux équipes se résume souvent à la collision des poids en présence. Il en ressort un ennui terrible qui déroute jusqu’aux plus fidèles ». Je partage entièrement toutes ces affirmations. En Top 14, 867 « événements médicaux » ont été comptabilisés en 2016-2017 (+ 86%). Les commotions cérébrales ont doublé (+ 92%). Un chirurgien anglais confirme : « C’était un sport pour toutes sortes de gabarits, c’est devenu un sport pour monstres… Le corps humain n’est pas fait pour encaisser ces impacts ». Depuis 1995, année du début du professionnalisme, les entraîneurs considèrent que seuls trois matchs comptent dans le championnat : les barrages, les demi-finales et la finale. Pour les autres rencontres, les entraîneurs envoient leur équipe réserve. L’esprit du jeu est bafoué. La prolifération des matchs a tué l’attente, cette adrénaline du supporter, du match de son club favori. Un constat : « Canal + a magnifié le rugby pour mieux l’assassiner au final ». Les règles qui régissent la mêlée, aujourd’hui, sont incompréhensibles pour les spectateurs. Les modifications, à chaque saison, ne se comptent plus. Le rugby féminin, ce sport de « gonzesse » tellement décrié, triomphe auprès des plus machos. Fait d’évitements et de courses sinueuses, il réunit 3 millions de téléspectateurs à la Coupe du monde de 2017. Plus grave encore pour le XV, le rugby à VII entre aux prochains Jeux Olympiques tant il est devenu spectaculaire. L’argent a trié les prétendues « valeurs » de l’ovale. Les clubs des grandes villes du TOP 14 sont les plus riches. La PRO D2 est réservée aux villes moyennes. Ce petit livre documenté est piquant d’authenticité, je le recommande vivement.
- « Rugby en péril » de Jean-Yves Viollier – ContreDit – Éditions Atlantica – février 2019 – 12,90 €.