Le Chevalier de La Barre

On se bat pour être au plus près de l’échafaud, ce 1er juillet 1766 (1). L’horreur d’une décapitation, d’un tronçonnage du corps et l’incandescence d’un bûcher public exciteront le populaire. Le 12/09/1747, naît Jean-François Lefebvre au château de La Barre, à Férolles près de Brie-Comte-Robert. Mais que fit ce jeune homme de 19 ans pour mériter ce châtiment ? Le 9 août 1765, on découvre la mutilation du crucifix placé sur le Pont Neuf. Duval de Soicourt, lieutenant criminel d’Abbeville, dépêché sur le pont, alerte l’évêque d’Amiens «qu’une conspiration est ourdie contre la religion catholique». Il obtient des «monitoires», survivance de l’Inquisition. Dix-sept témoins témoignent que, peut-être, ils auraient vu des silhouettes d’adolescents. Certains évoquent un accident. Mais Soicourt veut un vrai coupable. Il en trouvera trois : Jean-François de La Barre, Gaillard d’Etallonde et Moisnel, le plus jeune. Tous reconnaissent ne s’être pas découverts au passage d’une procession des Capucins et proféré quelques impiétés dans les auberges. Rien de plus. Jean-François de La Barre est orphelin de père et de mère. Il sera recueilli par sa cousine l’abbesse de l’abbaye de Villancourt. C’est un petit noble à l’allure de gentilhomme. Éducation inachevée, esprit libre et indépendant, émancipé avant l’heure. Chez l’abbesse, ses amis sont acquis aux idées nouvelles et les vives discussions sur Voltaire, Montesquieu, Rousseau, d’Alembert et Diderot remplissent leurs soirées. La population déteste ces jeunes. Le 26 septembre, un mandat d’arrêt est lancé contre les trois jeunes pour le lundi suivant. D’Etallonde se réfugie dans une abbaye. De La Barre se croit protégé par sa famille «très haut placée à Paris». Erreur funeste. Le récit, construit comme une belle pièce d’horlogerie, se déroule dans une ambiance féroce, implacable. L’auteur montre avec un luxe de détails le rôle du «double joug de la monarchie et de l’Église» pour éteindre les premières lueurs du siècle des Lumières. Dernier procès pour blasphème, le verdict choquera l’Europe entière. Un grand livre d’histoire.

(1)«Le flamboyant destin du Chevalier de La Barre» – Georges Bringuier – Éditions Privat – 14 €.

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