Les chemins de terre rouge

Dépaysement et aventure nous sont offerts par un auteur, originaire d’Agen, un grand écrivain qui a du souffle (1). Ce roman historique commence au Pays basque, à Erlaitz, près d’Irun, à l’automne 1874, dans une famille d’agriculteurs modestes. Joaquim Damboriarena a 17 ans. Cadet de famille, il sait qu’il n’a aucun avenir dans la ferme de ses parents. Son frère aîné Antonio, sanguin et coléreux, lui barre la route. Le contexte social de l’époque entre San Martzial, Irun, le mont Jaizkibel et le port de Pasaia, ne force pas à l’optimisme pour un berger guipuzcoan. À la fin du XIXe siècle, l’émigration vers l’Uruguay et l’Argentine bat son plein. Corpulent mais force de la nature, timide et peu bavard, Joaquim a pu bénéficier de l’enseignement du curé Barrasoain. Lire et compter le distingue des amis et voisins analphabètes. Le constat est vite fait : l’Euskadi ne lui offre aucun débouché, il ira en Uruguay. La traversée en bateau à voiles durera trois mois et coûtera fort cher. Arrivée à Montevidéo de « La Victorine », terre de bonheur assurée par les promoteurs, est décevante. Trouver un petit boulot est une épreuve. Enfin, des abattoirs, aux journées interminables, pour survivre et économiser sont petit écot. La rencontre du basque Luis Irazoqui le dirige vers Colonia do Sacramento pour un chantier de plantation de poteaux délimitant les immenses estancias du Rio de la Plata, au sud. Avec ses petites économies amassées pendant 5 ans, il achètera 30 vaches et 2 taureaux. Il découvre les plaines et achète. Et c’est un récit hallucinant. À 22 ans, il engage un formidable pari : faire conduire par 12 peones un troupeau de 4000 têtes depuis Colonia jusqu’à la terre vierge de Batovi, au nord est, en limite du Brésil, soit 700 km en 3 mois. Il se marie. Son fils Juan Maria est brillant. Député puis sénateur, la famille atteint son apogée. Trois générations d’estancieros, éleveurs et grands propriétaires terriens, seront mêlés à l’histoire de l’Uruguay depuis sa construction par les émigrés venus d’Europe jusqu’aux heures sombres de la dictature. Un excellent roman.

1 – «Les chemins de terre rouge» – Bruno Dumas – Éditions Atlantica – septembre 2000 – 19,67 €

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