Historienne de l’art, illustratrice et graphiste, Aude Larmet nous livre un Jaurès inconnu et captivant (1). L’action politique de cet humaniste est notoire, certes, mais qui connaît, précisément, sa culture esthétique, sa réflexion sur l’art, la philosophie, la culture ? Pour lui, il est question d’art social, prioritairement. Il crée un journal socialiste « L’Humanité » le 18 avril 1904. Jusqu’à sa mort, en 1914, on distingue trois discours sur l’art : philosophique, critique et politique. «C’est d’abord en tant que philosophe que Jaurès parle d’art. Il entretient ses élèves du lycée d’Albi sur les notions d’art, de beauté et d’esthétique, avant de rédiger sa thèse de philosophie». En 1881, sont votées les lois sur la liberté de la presse. Apparaissent les articles et chroniques dans la rubrique «critique d’art». L’art devient populaire par la création du musée du Louvre ou l’École des Beaux-Arts. L’article adopte le format court «moins littéraire et plus informatif». Dans ses cours, le maître définit et discute la notion de beauté. La philosophie de l’art enseignée est empreinte de culture classique. Le concept de vérité est très proche de l’art. Pour y accéder, «l’artiste ne doit pas se replier sur lui-même mais être à l’écoute du monde dans lequel il vit». Plutôt partisan d’Aristote que de Platon, l’art doit être imitation plus ou moins fidèle «selon la personnalité de l’artiste». Jaurès conceptualise un «idéal universel de beauté».Pour lui, les Grecs «ont trouvé le juste milieu entre la beauté de la forme et la beauté de l’idée». L’art doit-il être un plaisir ou avoir une utilité ? À cela, le grand homme répond par la métaphysique : le beau est immuable et universel. La science prend une place importante chez les philosophes et les intellectuels. Naît le positivisme où l’œuvre d’art est déterminée par le milieu. Dans la lignée de Goethe, Jaurès remettra en cause la théorie newtonienne de la couleur mais il s’inscrit, déjà, «dans la conciliation, le désir d’unité et la compréhension globale du monde». Passionnant…
(1) «Jaurès – Penser l’art» d’Aude Larmet – Éditions Privat – 191 p – Février 2014 – 14,50 € TTC.