Voir des corridas

«Pourquoi allez-vous voir des corridas ?» Question lancée à des aficionados aussi divers qu’un architecte, notaire, instituteurs, académicienne, directeur de lycée, professeur de lettre, philosophie, mathématiques, collégienne, écrivains, journalistes, photographes, ingénieurs, techniciens, géomètre, kinésithérapeute, chirurgien, comptables (1). Si aucun ne sait pourquoi, ils savent tous comment ils ont connu la révélation du toro, du torero, de la lumière tarde, du théâtre, des émotions exceptionnelles qui ont bouleversé leur vie. Espartaco, torero vedette des années 1980 disait : «Les Français viennent à la corrida un livre à la main». Oui, le cartésien Français veut tout comprendre et Marc Delon de lui répondre : «Les émotions éprouvées, subies, espérées dans une arène sont aussi nombreuses que les places numérotées». Lui-même n’hésite pas à livrer son parcours initiatique. Né à une rue de l’amphithéâtre de Nîmes, il a déjà goûté les paséos populaires depuis le ventre maternel. Son témoignage est poignant et il a le bon goût de citer un article de notre talentueux bigourdan Antoine Torres dont je reprends un extrait : «Pour les amateurs de courses de taureaux, la corrida peut être un de ces moments privilégiés de vie authentique pendant lesquels le temps suspend son cours, le cœur s’emballe, la vision perd la netteté des contours et s’embrume dans un brouillard larmoyant…». Pour un témoin, « Islero » de Miura a fait la gloire de Manolete, au mois d’août 1947, et ce dernier a fait la gloire de Linarès. Le journaliste Guy Lagorce affirme qu’aimer les toros «c’est porter une croix et en éprouver du bonheur». Emmené enfant par son père, l’instituteur Robert Bérard : « J’étais admiratif et bouleversé. J’étais entré dans un autre univers, celui des toros de mort frôlant des hommes dompteurs de rêves». J’ai aimé les récits de Florence Delay et de Francis Marmande. Je conseille à tous les anti-corridas de lire tous les témoignages de cet ouvrage pour mesurer la complexité de l’âme humaine.

 

(1) «Pourquoi ils vont voir des corridas» Textes réunis par Marc Delon – Éditions Atlantica – 170 p – Juin 2013 – 15 € TTC.

 

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