Charles Yriarte était rédacteur en chef du Monde illustré et collaborateur régulier au Figaro, à la Vie parisienne et au Grand Journal (1). On peut résumer son ouvrage par cette déclaration : « Les nouveaux héros que je présente au lecteur n’ont pas une mission si haute, ils n’ont rien d’épique et s’étonnent eux-mêmes d’être de l’histoire; mais ils passent sur la place publique comme les autres y ont passé avant eux, et, dans ce défilé bariolé, je vois quelques types de bon aloi ». En effet, il y a « Solsirepifpan » l’homme-orchestre affublé d’un casque avec un pompon orné de petites sonnettes, un habit dont le collet couleur amadou monte jusqu’aux oreilles, un pantalon collant bleu clair, à pont et paré de brandebourgs. Son ambition : charmer les promeneurs des Tuileries et des Champs-Elysées. Autre original : « Carnevale » issu d’une bonne famille napolitaine que l’on aperçoit sur le boulevard des Italiens. Homme cultivé mais étrange, il donne des cours d’Italien et se pare d’habits rouges ou verts, bleus ou roses. Sa poitrine est décorée de cordons multicolores selon la couleur du ciel et ses chapeaux couronnés de fleurs. Célébrité de la rue : « Kasangian », l’Arménien, que l’on aperçoit dans la rue Richelieu ou à la Bibliothèque impériale qui lui servira de refuge pendant vingt-cinq ans. L’été, il boit goulument au gobelet de fer-blanc attaché à la fontaine, dans la cour; l’hiver, il monte se mettre au chaud dans la grande salle avant de prendre les volumes qu’il y dépose chaque soir. Il y a aussi le marchand de vulnéraire suisse, petit vieillard tourmenté par la goutte qui erre depuis la rue Saint-Honoré, vêtu d’un ancien uniforme de chevalier de Malte : habit rouge à passe-poils d’or, épaulettes de colonel, chapeau à trois cornes avec cocarde tricolore et pantalon blanc. Ouvrage insolite mais truffé de bonnes surprises.
(1) « Paris grotesque – Les célébrités de la rue » – Charles Yriarte – Editions Gascogne – décembre 2010 – 20 .