Cette traversée fantastique de l’art sacré en Europe avec les tableaux les plus remarquables de Judas était un pari osé (1). Courageusement assumé par deux éminents chercheurs qui ont compilé des représentations rares, en grand format, de Judas Iscariote, traître symbolisant le double du Christ et le disciple tragique. D’où venait-il : de Carioth, un bourg de Judée. Apôtre resté fidèle à Jésus, il le trahit pour 30 pièces d’argent. Ce geste misérable déclenchera le drame de la Passion. Une explication ? Ce félon donnant un baiser à son maître, signe de l’arrestation par la soldatesque qui l’attend, était-il motivé par un amour déçu ou une mission divine ? Les réponses sont dans les évangiles de Luc, Marc et Matthieu. Toute la genèse de l’affaire est brillamment conduite par les auteurs qui démêlent dans un langage clair l’écheveau de cette tragédie. En cela, la démonstration est puissamment soutenue par des images étonnantes de beauté ou aucun détail, qui semblerait anodin ou décoratif, n’échappe à leur analyse. Ainsi, le sacramentaire de Fulda, fin du Xe, « L’Évangéliaire de Berlin », vers 1050, la fresque de Pietro Lorenzetti, début XIVe, le « Missel de Turin-Milan », vers 1420,  les heures d’Étienne Chevalier de Jean Fouquet, vers 1452, la fresque de Judas de Jean Canavesio, 1492, le retable de l’abbaye de Dillighem, fin XVe, la fresque de la chapelle de Saint-Antoine, vers 1520, le livre de prières de Simon Bening, vers 1525, sont d’étonnantes interprétations de la scène tragique. « L’arrestation du Christ » par Le Caravage, en 1598, m’a profondément touché. Et que dire de la fresque de Giotto, « le Baiser de Judas », peinte en 1303-1306. Admirable. Elle fait l’objet de la couverture de ce magnifique ouvrage de grand format qui est éblouissant tant par l’explication très érudite des textes sacrés que par l’exceptionnelle imagerie de tableaux éternels.

(1) « Judas, le disciple tragique » – Jeanne Raynaud-Teychenné & Régis Burnet- Editions Privat – novembre 2010 – 39 €.