Français, juif persécuté, jugé comme un étranger, condamné pour haute trahison, deux fois, par un Conseil de Guerre après une parodie de justice, en 1894 et 1899, exilé sur l’île désertique du Diable, au large de la Guyane, enfin proclamé innocent, en 1906 (1). Résumé terrifiant d’une affaire pas comme les autres. Il faudra les efforts conjugués, de courage et de ténacité, de l’élite intellectuelle composée de savants, d’écrivains et de « consciences » reconnues dans leur domaine, pour venir à bout du véritable complot antisémite ourdi contre le capitaine Dreyfus. La culpabilité du commandant Esterhazy sera établie dans le crime d’espionnage par la Cour de cassation, le 12 juillet 1906. Mieux, ce tribunal reconnaîtra « l’existence de systèmes de manipulation et de conspiration dirigés contre le capitaine Dreyfus, puis contre ses défenseurs – les dreyfusards – au sein de l’État-major général et du ministère de la Guerre ». Léon Blum, Jean Jaurès, Charles Peguy ou Élie Halévy engagèrent leur réputation pour dénoncer cette forfaiture. La densité des références patronymiques pourrait rebuter le lecteur de prime abord. Pourtant, la richesse des faits, dans la chronologie historique, nous permet d’accepter cette indispensable exigence tant le récit est mené comme une enquête policière. Bien sûr, les noms des grands acteurs de la réhabilitation du capitaine nous sont inconnus, aujourd’hui. Cependant, Mathieu Dreyfus, frère aîné du condamné, Bernard Lazare, anarchiste mais cheville ouvrière qui voudra faire « triompher la raison », Auguste Scheurer-Kestner, Joseph Reinach, Gabriel Monod, seront les ardents défenseurs d’une démocratie un instant menacée. La République, « un moment dominée par la violence et la persécution, retrouvait ses traditions de liberté, d’égalité et de fraternité ». Un grand-livre qui enrichit notre mémoire collective.
(1) « L’affaire Dreyfus – Quand la Justice éclaire la République » – Vincent Duclert – Editions Privat – octobre 2010 – 28 .