Le canal du Midi : une voie royale

De Toulouse à la Méditerranée, le canal du génial Pierre-Paul Riquet, baron de Bonrepos, né à Béziers en 1609, se révèle et se dévoile dans ce carnet de voyage (1). Tout au long d’un fil d’argent qui miroite dès la prise d’eau, à Alzeau, il darde ses reflets économiques sur Revel-Saint-Ferréol, Castelnaudary, Carcassonne, Narbonne et Agde. C’est un vrai plaisir que de déguster ce récit de voyage poétique, assis sur un véhicule historique solide comme les écluses, les quais et les ports qui jalonnent sa trajectoire. Bien sûr, les docks de Saint-Étienne ne grouillent plus de marchands pastelliers ou grainetiers comme antan, mais ils invitent au départ. Fermier général du Languedoc et de Cerdagne, Pierre-Paul Riquet écrit d’un ton péremptoire au grand Colbert, en 1662, pour affirmer que ce serait un commerce juteux pour le Roi soleil que ce canal qui relierait l’Atlantique à la mer de Narbonne. Quel culot ! L’ingénieur intrépide croulera sous les moqueries : « Trop cher, trop fou » ce projet pharaonique d’un terrien même pas noble ! Colbert se renseigne sur le sérieux de l’homme, l’architecture proposée, les calculs et les dessins pour abaisser l’eau, la remonter, l’insinuer ou la disperser en cas de méchantes crues. Il persuade Louis XIV de lui reconnaître quartiers de noblesse, de lui octroyer « justice haute, moyenne basse et mixte » et aussi les « châteaux, maisons, magasins et moulins » qui appartiendront à ce fief, donc à « l’entrepreneur ». Vauban sera admiratif. De Toulouse à Marseillan, que de communautés nées au bord des berges complantées de platanes, que de métiers inconnus par ici, que de vie et de solidarité entre les hommes des voies navigables de France. Le pastel qui fera vivre cultivateurs, meuniers et transporteurs, laissera bientôt sa place aux plaisanciers venus de toute l’Europe. Cet ouvrage, magnifiquement illustré, est un somptueux cadeau de fin d’année.

 

(1) « Canal du Midi – Voie royale entre Toulouse et Méditerranée » – Textes Clément Debeir – Dessins Sophie Binder – Editions Privat – septembre 2010 – 32 €.

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