Deux Alsaciens dans la tourmente

Comme tous les Français de son âge, Stéphane Hentzel est appelé sous les drapeaux, le 3 septembre 1939 (1). L’auteur achève une fresque historique avec ce troisième roman et je ne peux que redire tout le bien que je pense de cette romancière dont les récits sont charpentés aux meilleures sources. De son style dépouillé et précis, elle nous raconte les trajectoires de deux jeunes alsaciens emportés par la tourmente. Lorsque l’Allemagne déclare la guerre à son alliée l’URSS, Walter décide d’intégrer la Waffen SS. Stéphane, qui a combattu dans l’armée française en 1939, soutient, derrière son poste de radio, la résistance de l’armée rouge jusqu’à l’été 1940 ou le IIIe Reich, tenu en échec, décrète le rattachement de l’Alsace et le service militaire dans les territoires annexés. Trois jours plus tard, Stéphane est enrôlé de force dans les troupes d’Hitler qu’il avait combattues, ballotté dans un wagon en direction du front de l’Est. En Russie l’engagement est féroce et « certains, au nom d’un idéal, s’en accommodent très bien. C’est le cas de Walter Schwarz, Alsacien lui aussi mais nazi convaincu ». Le lecteur pourra se faire une idée du style de l’auteur avec ceci : « Route pelée, givrée. Verglas. Luminosité blanche, ciel laiteux. Silhouettes d’arbres squelettiques qui s’élèvent dans le brouillard. Un ronflement. Camions qui brinquebalent les hommes, emmitouflés dans leur parka. Une nouvelle fois, ils connaissent l’intensité du froid. Col relevé jusqu’aux oreilles, casque sur les yeux, fusil entre les jambes. Épaule contre épaule, on se tient plus chaud. À peine un bout de peau dépasse, rose, gercé et les yeux brillants que l’on distingue dans la pénombre, sous la bâche. Lèvres violettes. Un nuage gelé quitte la bouche à chaque expiration ». Je recommande ce troisième volet âpre et violent comme la guerre, descriptif d’une réalité crue.

 

(1) «La marque de Caïn » – Mathilde Tournier – Editions Privat – 19 €.

 

 

 

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