Un Bigourdan à l’Opéra de Paris

Par sa construction, cette biographie d’un Bigourdan quasiment inconnu se lit comme un roman historique de Robert Merle (1). François Lay est né en 1758, à Labarthe-de-Neste, de parents paysans. Un froid matin de 1770, deux chanoines du couvent de Garaison entendent la voix cristalline de François en l’église Saint-Jean Baptiste. Leur religion est faite, les études et l’éducation de ce prodige seront payées par les chapelains. Tout émerveille le garçon de 12 ans : la beauté du sanctuaire, la statue de la vierge miraculeuse, la peinture naïve, les ors. Turbulent et cabochard, il veut s’émanciper. Il est reçu par les chanoines de la cathédrale d’Auch. Ce soliste attire la foule des curieux. Le Kyrie et le Gloria sont pour lui, déjà, une consécration. Il obtient une bourse pour un doctorat de théologie à Toulouse. Il y rencontre Bertrand Barère. Leurs opinions rousseauistes les rapprochent. Le jour de Pâques 1779, dans la cathédrale de la ville, l’Intendant du Languedoc l’entend dans le Gloria porte-bonheur. Il voit pour lui l’Opéra de Paris. François Lay reçoit l’ordre de se présenter à l’Académie Royale de Musique. En juin 1779, il réussit son entrée comme « doublure baryton » mais on se moque de son nom, Lay = laïc en gascon, n’est pas compris. Il le transforme en Laÿs. Puis on entre dans la carrière vertigineuse du virtuose qu’Anne Quéruel nous décrit avec une minutie gourmande. L’artiste connaîtra un immense succès populaire et les plus grands honneurs – il baisera la main de Marie-Antoinette, à Versailles – sous la Monarchie, à la Révolution – de par sa proximité quotidienne des Jacobins et de Bertrand Barère – et l’Empire. N’a-t-il pas rencontré, souvent, l’Empereur de par sa position privilégiée de premier sujet de l’Opéra. La fin est plus désenchantée. Les royalistes de retour, interdit d’Opéra à Paris, il doit s’exiler à Ingrandes, en Maine et Loire. Affaibli par la goutte, il s’éteint le 27 mars 1830. Un très beau livre que je recommande vivement. (1) « François Lay dit Laÿs» — Anne Quéruel —Éditions La Louve— juin 2010 — 20 €.

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