Pour clore cette ode aux Hautes-Pyrénées, Léon Richard prête sa plume à l’historien et académicien Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury qui fut enchanté de son séjour dans la station bagnéraise. «Elle est la plus charmante vignette que l’on puisse placer au frontispice d’un voyage dans les Pyrénées. Je ne sais rien, en France et en Italie, qui donne une idée de ce délicieux séjour. Imaginez une ville où les maisons ont partout des chambranles de marbre à leurs portes, des assises de marbre à leurs fenêtres, des terrasses suspendues et des murailles qui sont blanches comme la robe de noce d’une jeune fille ; imaginez des rues, non pas tirées au cordeau, mais aérées, spacieuses et serpentant comme les allées d’un jardin autour d’un cottage ; des rues, non pas pavées avec des cailloux pointus comme la plupart des villes du Midi, mais qui semblent avoir été battues et nivelées par Mac-Adam lui-même ; et partout, le long des maisons, des ruisseaux d’eau courante et limpide qui ne se taisent pas plus que les cascades du grand Condé ; et une promenade qui vous donne, en plein midi et au milieu d’une cité populeuse, la fraîcheur du bocage le plus retiré et le plus secret ; et plus de vingt sources minérales qui jaillissent à gros bouillons du sein de cette terre échauffée par les plus doux rayons de soleil ; et des établissements thermaux dignes des Romains, si ce n’est que, dévote à ses dieux autant que nous sommes devenus matériels, Rome adorait des naïades où nous ne voyons que des fontaines, et construisait des temples où nous bâtissons des buvettes ; dans ces rues, sur ces places, dans ces promenades, une population pressée, mosaïque mouvante, bigarrure singulière de mœurs, de langage et de costume ; cette scène est dominée au nord par la flèche hardie et le gracieux campanile d’une église gothique ; à l’extrémité opposée s’allonge le Pic du Midi trop éloigné pour projeter ses grandes ombres sur la délicieuse vallée où Bagnères sourit et se joue sous l’azur de son beau ciel. Telle est Bagnères de Bigorre, un enchantement que cette ville de plaisir et chercher l’ombre sous ses beaux tilleuls qui lient la montagne à la plaine par un chemin de verdure et de fleurs…».