L’auteur nous prévient, les archives des procès en sorcellerie du Labourd sont « fort chiches » hormis les deux gros livres du juge laïc Pierre de Lancre, de son vrai nom Pierre Rostéguy. Elles sont complétées par celles de l’Inquisition espagnole, notamment de Logroño d’une grande richesse (1). Les procès du Labourd ont duré 4 mois – 2 juillet 1609 au 1er novembre 1609 – durée impartie pour cette mission confiée par Henri IV. En réalité, ils se prolongeront au parlement de Bordeaux jusqu’au 29 août 1614 pour les condamnés basques : hommes, femmes, prêtres. Pierre de Lancre a un supérieur Jean d’Espaignet qui signera avec lui tous les documents d’exécution à la pendaison puis au bûcher ou à l’exil. Le travail de bénédictin accompli par l’auteur mérite tous les éloges : 35 ans de recherches, une brillante thèse universitaire sur le sujet et cet ouvrage de 800 pages qui fera désormais référence. L’’instruction fut menée uniquement à charge par Pierre de Lancre qui considérait les basques français du Labourd comme une population contaminée et favorable aux sorciers et sorcières et qu’il fallait exécuter… s’il ne tenait qu’à lui. La plupart des auteurs ont donné des chiffres extravagants sur le nombre d’exécutions : 200, 500, 1000, 2000, 5000, enfin, et plus raisonnablement, 80 mises à mort par l’auteur. Paradoxalement, c’est l’Inquisition espagnole « qui est la première justice européenne à mettre un terme définitif à la traque des sorcières ». Étonnant non ? Logique, les sorciers et sorcières basques ne sont pas hérétiques et ne remettent jamais en cause leur foi catholique. À l’inverse, les basques français vivent dans la peur d’une délation. Aussi, une terrible psychose contagieuse s’abat sur le pays. Paysans, bourgeois, ecclésiastiques ne seront épargnés. Tout sera de la faute aux sorciers : tempêtes, inondations, foudre, mauvaises récoltes, faits divers scabreux, accableront les malheureux emprisonnés, torturés, déshonorés, malgré leurs dénégations et le manque flagrant de preuves. Un livre historique éblouissant.
(1) « Histoire de la sorcellerie en Pays Basque – Les bûchers de l’injustice » – Beñat Zintzo-Garmendia – Éditions Privat – mars 2016 – 24 €.