Le Flamenco

Mon ami Andalou me l’a demandé. «Ils chantent, hallucinés par un point brillant qui tremble. Ce sont des gens étranges et simples» (1). Passionné de grande musique et de corridas, l’auteur Mario Bois évoque devant Max Fourny, son premier éditeur, le flamenco et ses mystères : «Rendez-vous compte ! On ne sait pas ce que le mot de flamenco signifie, on ne sait pas grand-chose de ses origines et sa transmission à travers les âges, dans une région restée longtemps illettrée, est tout à fait miraculeuse». À force d’entendre proférer des bêtises par des amis bien intentionnés, l’auteur s’est mis en quête de dessiner un Andalou qui «sait chanter et danser les musiques de sa terre, ce que nous, étrangers, ne saurons jamais faire». Il a couru les tavernes d’Andalousie, pris des notes, accumulé des disques, des livres, s’est enivré de flamencos et le jour de l’écriture d’un ouvrage, s’est noyé dans «un océan obscur, flou, infini, où tout y est mystère». À Séville, toutes les familles savent danser, chanter des centaines de coplas, jouer de la guitare. D’où vient le flamenco ? Manuel de Falla y trouve des éléments de musique orientale, grecque, byzantine, syrienne, judaïque, arabe, et même un zeste de chant grégorien. Il écrit que le «cante jondo» est «un rarissime exemple de chant primitif, le plus vieux de toute l’Europe». Il se diviserait en gitano et en flamenco. Gautier et Dumas, au milieu du XIXe siècle, parlent toujours de «chant des Gitanos». Rafaël Romero, un grand, affirmait chanter du cante gitano, Pepe de la Matrona, lui, énonçait le cante payo qui n’est pas gitan. L’auteur a dénombré pas moins de 56 différents noms de chants. Chanter jondo est difficile et demande une voix profonde, timbre, dimension, souffle, intensité. La gorge et les poumons sont en feu, le cœur, le ventre et le bas-ventre souffrent. Choses graves, noires et anciennes. Du Fandango respectable au Tanguillo plus vulgaire, le cante chico est son pendant, une fragile dentelle. Un livre éblouissant de passion, de couleur, d’une culture millénaire qui se perd. Je recommande.

  1. «Le Flamenco dans le texte – grand chant et poésie populaire» – Mario Bois – Éditions Atlantica – avril 2016 – 21,90 €.

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