Coup de foudre dans l’Aubisque

Le décor : la 17e étape du Tour de France Luchon-Mourenx-Ville-Nouvelle, le 15 juillet 1969, sous un soleil brûlant (1). Ce jour-là, le tracé emprunte les cols de Peyresourde, Aspin, Tourmalet, Soulor et Aubisque. La veille, à Luchon, le célèbre journaliste sportif Pierre Chany ne s’est pas attardé sur la ligne d’arrivée. Le champion de France en titre Raymond Delisle a remporté l’étape. Tout à côté, devant une bière fraîche, Chany déclare à ses confrères rassemblés autour de lui, que pour lui la messe est dite. Le champion belge Eddy Merckx est «au-dessus de la mêlée». Les jeunes journalistes du «Courrier du Sud», Édouard Labège et Charles Montardon, boivent les paroles du «vieux» aux tempes grisonnantes, héros de la Résistance. Chany est sur le circuit depuis 1946. En toutes saisons, on le voit sur les pavés du Nord, à la Sierra Nevada, au Trois cimes de Lavaredo, au Stelvio ou au Gavia et sur le Tour, bien sûr. Il a vu Fausto Coppi, dans Milan-San Remo, devenir le héros du peuple italien, en 1946. Une échappée de 150 km, seul, du jamais vu ! Avec un quart d’heure d’avance sur Lucien Teisseire, le second. Le maître Chany l’affirme : Coppi, porteur du destin d’un peuple meurtri, a inventé le cyclisme moderne et inspiré Louison Bobet. Ce 15 juillet, Eddy Merckx roule à sa main encadré par son équipe, la «Faema», au complet. Landais, Gersois et Béarnais se retrouvent en haut de l’Aubisque. Imprégnés de culture Rugby, ils louent les qualités d’André Boniface et partagent pain de campagne et saucisson dans l’attente des «forçats de la route». Le maillot jaune Belge sera, ce jour-là, éblouissant. 5’’ en haut du Tourmalet, 1’ entre Luz-Saint-Sauveur et Argelès-Gazost, 6’ au sommet du Soulor, 6’ 55” en haut de l’Aubisque. Derrière, exténués, Pingeon, Poulidor, duo gagnant du Tour 1967. Encore 60 km à rouler dans la brûlante plaine béarnaise. À Monein 7’, à Mourenx-Ville-Nouvelle 7’ 56”. La fabuleuse chevauchée solitaire de 140 km s’achève sur un triomphe dont on parle encore. Trente ans après Sylvère Maës, Eddy Merckx dit le «cannibale» est devenu immortel.

(1) «Coup de foudre dans l’Aubisque – Eddy Merckx dans la légende» – Bertrand Lucq – Édition Atlantica – 14 €

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